jeudi 29 novembre 2012

Les hasards du calendrier belgo-israélien

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Victor Ginsburgh

Le 26 novembre 2012, quelques jours après la guerre de Gaza et ses morts, on a inauguré à Malines (Belgique) un « Mémorial, Musée et Centre de Documentation sur l’Holocauste et les Droits de l’Homme » (1). Ce musée sera ouvert au public dès le 1er décembre 2012.

Au deuxième étage du musée, on nous montre

« des photos de l’apartheid en Afrique du Sud pendant la période 1948-1990 et de la ségrégation raciale dans le sud des Etats-Unis jusqu’au début des années 1960. La situation en ces lieux n’est d’ailleurs pas sans analogie avec la politique menée à l’égard des Juifs d’Allemagne dans les années 1930. Qu’une telle discrimination officielle mène parfois à la violence apparaît également dans les photos de lynchage de noirs aux Etats-Unis (en particulier celle où l’on voit des femmes et des enfants qui rient) ».

Exactement un jour après cette inauguration, dans son édition du 27 novembre, le journal israélien Haaretz (2) rend compte de la situation suivante :

« Il y a quelques jours, un autobus d’une compagnie d’autobus publics qui dessert les colonies (settlements) dans les territoires occupés (West Bank), a été forcé de s’arrêter à un barrage routier, près d’une des colonies. La police qui a évoqué des raisons de sécurité, a ordonné à tous les passagers palestiniens de quitter le bus, les forçant de poursuivre à pied les quelques kilomètres qui les séparaient du point de contrôle (check-point) suivant, et de prendre à partir de là un taxi pour rentrer chez eux.

« Cette situation s’est étendue et la police force les Palestiniens munis de permis de travailler en Israël de descendre des autobus de la ligne Tel Aviv- territoires occupés, suite à des plaintes déposées par des colons, sous prétexte que les Palestiniens posent un problème de sécurité.

« Le Ministère des Transports se propose d’ajouter entre les points de contrôle et le centre d’Israël des lignes d’autobus qui seront réservées aux travailleurs palestiniens qui viennent travailler en Israël ».

On peut espérer que d’ici l’ouverture officielle ce 1er décembre, le nouveau Musée consacré à l’Holocauste, mais aussi aux Droits de l’Homme et à l’apartheid, se fera un devoir de mettre quelques photos de cette ségrégation entre Juifs et Palestiniens aux murs de son deuxième étage.


(2) Police order Palestinian workers off buses to West Bank, at request of Israeli settlers. Voir http:// http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/police-order-palestinian-workers-off-buses-to-west-bank-at-request-of-israeli-settlers.premium-1.480741

Ils sont fous ces Américains

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Pierre Pestieau

On sait que la phrase légendaire d’Astérix « ils sont fous ces Romains » vise dans l’inconscient collectif français les Américains, ou plus généralement les peuplades qui vous dominent, que l’on hait et jalouse avec la même constance.  On l’utilise surtout quant on se trouve devant une situation incompréhensible: des musées gratuits, des files ordonnées devant les guichets, des coupures d’électricité fréquentes dans la capitale du pays qui est encore le plus puissant du monde. On pourrait très bien la ressortir à propos de la fameuse falaise fiscale (fiscal cliff) dont la presse a beaucoup parlé à l’occasion de l’élection présidentielle et dont elle reparlera lorsque l’échéance se rapprochera.

De quoi s’agit-il? D’une méthode fort originale de résoudre un conflit. Originale parce qu’il faut des institutions et des traditions solides pour qu’elle soit crédible. Typiquement, elle peut être utilisé lorsque  deux camps ne s’entendent pas sur une question; ils s’accordent alors sur une solution temporaire, tout en sachant que, dans peu de temps, ils se retrouveront dans une situation encore plus difficile qui les obligera cette fois à un compromis durable.

L’exemple le plus parlant de cette méthode est l’accord fiscal obtenu en 2001 par G.W. Bush pour alléger la pression fiscale pesant sur les ménages et les entreprises américaines et limiter les dégâts de l’effondrement de la bulle des dotcom. Les démocrates qui avaient la majorité au sénat s’y opposaient. Pour obtenir leur accord, il avait été décidé que les allègements disparaîtraient au bout de 10 ans. Ainsi de 2001 à 2011 les droits de succession ont diminué de 10% chaque année. Le 31 décembre 2010, ils avaient disparu et le 1er janvier 2011 ils retrouvaient leur niveau de 2001.C’était intolérable pour les Républicains certes, mais aussi pour les démocrates qui trouvaient le minimum taxable beaucoup trop faible suite à l’inflation et à la croissance de la décennie écoulée. Il fallait trouver une solution. Obama qui n’avait pas la majorité à la Chambre des représentants et qui, de surcroit, avait besoin de l’accord des républicains pour relever le plafond d’endettement autorisé, accepta un nouveau compromis qui vient à échéance le 31 décembre 2012. Les droits de succession ont été fort allégés puisque pour un couple le seuil d’imposition est maintenant de 10 millions de dollars. Qu’arrivera-t-il à l’échéance, d’ici six semaines ? C’est cette situation qui a été qualifiée de falaise ou plus exactement de précipice fiscal. En effet si aucun accord n’est trouvé les dépenses publiques seront réduites et les recettes augmentées de manière équilibrée afin de diminuer les déficits publics (plus de $7.000 milliards en 10 ans), et de réduire de manière substantielle la dette publique. Si elle devait être appliquée en l’état, cette politiqué précipiterait l’Amérique dans une profonde récession, d’où l’expression de précipice.

Si Obama avait réussi à regagner la majorité à la chambre des représentants, il aurait pu imposer une solution davantage soucieuse d’équité. Comme il a besoin de l’appui des Républicains dont certains ne veulent pas entendre parler d’augmentation des impôts, ce compromis sera dur mais inévitable. On peut en effet se dire que les républicains, particulièrement ceux du Tea Party, sont extrémistes mais pas suicidaires.

Il n’en demeure pas moins que cette méthode en deux temps pour obtenir une solution difficile, est intéressante. On pourrait peut-être l’utiliser pour résoudre les problèmes institutionnels belges, pour réformer la sécurité sociale française, pour démêler l’imbroglio palestinien ? Cela vaut la peine d’y réfléchir. Nous deviendrions alors nous aussi des fous romains.

jeudi 22 novembre 2012

Principe de précaution

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Pierre Pestieau

Début novembre une conférence sur le thème : Faut-il en finir avec le principe de précaution ? a eu lieu à Paris. Les universitaires se moquent souvent de journalistes et de leurs marronniers. Ils ont aussi les leurs : régulièrement cette thématique du principe de précaution revient avec des avis souvent diamétralement opposés alors qu’il s’agit d’un principe de bon sens, qui me rappelle un sujet de dissertation qui remonte à mes années de lycée. Il était tiré de Vol de Nuit d’Antoine de Saint-Exupéry : « La grandeur de ma civilisation, c'est que cent mineurs s'y doivent de risquer leur vie pour le sauvetage d'un seul mineur enseveli ». J’étais fasciné par cette phrase mais surtout par son antithèse que je m’étais fabriquée: « La grandeur d’une vie est de la sacrifier pour sauver celle de cent mineurs ».

L’ouvrage Théorie de la Justice du philosophe américain John Rawls (1) a été suivie d’un débat important sur l’arbitrage entre progrès et respect de la vie. Selon Rawls, un des principes fondamentaux de la justice est de mettre l’accent sur le bien-être des plus défavorisés. Poussé à son extrême, ce principe interdit toute initiative qui pourrait augmenter le bien être d’un grand nombre d’hommes sous prétexte qu’un seul pourrait y perdre la vie.

Cette discussion sur le principe de justice de Rawls précède celle du principe de précaution. Si j’en crois Wikipedia, le Pic de la Mirandole des temps modernes, ce principe est formulé pour la première fois en 1992 dans la Déclaration de Rio qui a fait suite à une conférence sur l’environnement: « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement ».

Dans les trois principes que je viens de citer (Saint-Exupéry, Rawls et Rio), je ne trouve pas gênant qu’il y ait débat. Ce qui l’est en revanche, c’est de voir des lobbys plus ou moins déclarés s’en emparer pour défendre des intérêts financiers ou politiques on ne peut plus partisans. On vient encore de le voir dans le débat sur les médicaments nocifs, les OGM ou sur l’avenir du nucléaire.

Suite à l'affaire Médiator, le grand public a pris conscience de l'emprise des firmes pharmaceutiques sur l'information à propos des médicaments. Les firmes mettent en valeur les effets thérapeutiques bien plus que les effets indésirables et un produit peut rester longtemps en pharmacie alors qu'il est dangereux. Le débat plus récent sur le rapport Seralini de l’Université de Caen sur de la nocivité des OGM a mis en évidence cette asymétrie entre les recherches partisanes financées par l’industrie, en l’occurrence Monsanto, et les recherches prétendument objectives que tentent de mener des associations de consommateurs et autres groupes indépendants. Le débat sur le nucléaire me semble plus complexe aussi longtemps que l’on s’inscrit dans la logique du toujours plus.

L’ouragan récent Sandy (2) nous remet ces beaux principes à l’esprit. L’image de Staten Island (3), dévastée par la tempête, et les eaux dans le pays le plus riche du monde, dans la ville qui fait rêver la terre entière, était désolante. Les pertes de vies humaines et les dégâts matériels énormes auraient pu être évités au nom du principe de précaution, mais cela aurait privé de nombreux sauveteurs d’illustrer la réflexion de Saint Ex.

Le monde est décidemment trop compliqué.

 (1) John Rawls, A Theory of Justice, Harvard University Press, 1971.
(2) Qui a sans doute fait moins de dégâts que l’ouragan Stéphanie qui s’est abattu sur la France en 1986 (réflexion pour les amateurs de chanson française).
(3) Un des cinq arrondissements (borough) de la ville de New York.

Ne croyez pas (trop) ce que certains scientifiques vous racontent

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Victor Ginsburgh

Les débats sur les effets de l’agriculture et de la viticulture biologique font rage. Comme les « études basées sur les études », aussi appelées meta-études, des sortes de compilations d’études existantes, sans aucun apport nouveau, si ce n’est du meta.

Pourquoi cette liaison ? Parce que les deux sont à la mode, mais surtout parce que deux meta-analyses d’études sur les bienfaits (ou méfaits) de l’agriculture biologique ont paru en l’espace de 18 mois, l’une, en avril 2011, écrite par des scientifiques de l’Université de Newcastle, Angleterre (1), l’autre par des chercheurs tout aussi scientifiques de l’Université Stanford, Etats-Unis, en septembre 2012 (2).

L’article du New York Times (3) qui résume le débat signale que l’étude anglaise n’a pas fait beaucoup de vagues. L’étude américaine, pratiquement basée sur les mêmes articles que l’étude anglaise, en a par contre fait, d’autant plus que ses conclusions contredisent celles de la première !

Pour être honnête, je préfère les conclusions américaines qui suggèrent que les aliments biologiques ne sont pas plus nutritifs que les autres, mais plus chers.

Cependant…

Cependant, d’une part le rapport américain ne tient aucun compte des pesticides utilisés dans l’agriculture traditionnelle, ni de leurs effets sur la santé des fermiers et sur l’environnement. Et les très altruistes acheteurs de produits biologiques prétendent qu’ils sont prêts à payer pour réduire ces effets.

Et d’autre part, les études de base sont utilisées différemment dans les deux meta-analyses. Il n’y a, disent les chercheurs qui utilisent ce genre de méthodes, aucune qui soit meilleure que les autres. Chaque groupe y prend un peu ce dont il veut se persuader, en utilisant les données de base à son avantage afin de jeter, par la même occasion, un pavé dans la mare de l’autre.

Les deux groupes annoncent quand même certains résultats comparables. Pour la plupart des vitamines et des éléments minéraux, il n’y a guère de différence entre biologique et traditionnel, si ce n’est, dans une des deux meta-analyses, un modeste accroissement en vitamine C dans les aliments biologiques. Les deux études trouvent aussi que les légumes biologiques contiennent plus de phénols, dont on pense qu’ils préviennent notamment les cancers, mais la meta-analyse de Stanford trouve le résultat peu fiable, parce que les gains en phénol décelés varient très fortement entre les études de base.

Mais surtout, la meta-étude de Stanford semble avoir confondu flavonols (que l’on trouve dans le cacao ou le thé vert et qui protègent aussi contre le cancer) et flavonoïdes, une classe plus large dont font partie les flavonols. Elle trouve que le contenu des flavonoïdes est identique dans les aliments biologiques et les autres. En fait, ce sont les flavonols qu’elle aurait, selon les auteurs de la meta-étude anglaise, dû prendre en compte. Cela ne change pas nos résultats disent les américains.

Il ne semble pas y avoir d’intervention de l’industrie dans ce débat, contrairement à celui dont Pierre Pestieau parle dans l’article qui précède. Il s’agit plutôt d’un débat entre des sçavants de Molière.

Le diable est dans les détails. Et maintenant, comme dit la marionnette qui représente Poivre d’Arvor dans le bébête show de Canal Plus, éteignez votre télévision.  Et surtout, n’écoutez plus et ne lisez plus les résultats de certaines études scientifiques.


 (1) K. Brandt, C. Leifert , Sanderson R, and C.J. Seal (2011), Agroecosystem management and nutritional quality of plant foods: The case of organic fruits and vegetables, Critical Reviews in Plant Sciences 30, 177-197.
(2) M. Brandt, Little évidence of health benefits from organic foods, Stanford Study finds, Voir http://med.stanford.edu/ism/2012/september/organic.html
(3) Kenneth Chang, Parsing of data led to mixed messages on organic’s food value, New York Times, October 15, 2012. Voir http://www.nytimes.com/2012/10/16/science/stanford-organic-food-study-and-vagaries-of-meta-analyses.html?_r=0

jeudi 15 novembre 2012

Philosophie à l’Ecole Primaire?

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Victor Ginsburgh

« La commission de l’Éducation du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles entamera le 23 octobre 2012 une série d’auditions sur le projet d’un tronc commun aux cours de religion, philosophie et morale dès l’école primaire (1) ».

De Charybde en Scylla.

Durant le troisième trimestre de la deuxième année primaire, j’ai été amené à suivre un cours de religion (protestante). Le cours commençait par des chants et se terminait, sans doute comme les autres cours de religion chrétienne à l’époque, par une distribution d’images saintes que nous devions insérer dans notre livre de prières. Mais au moins j’avais appris quelque chose sur la musique, qui, aujourd’hui, ne fait plus du tout partie de l’enseignement.

En troisième primaire, je me suis enfui du cours de religion que je trouvais d’un ennui incommensurable et suis allé au cours de morale. Je  mentirais si je disais que c’était mieux. Sauf une seule fois durant les 10 ans et un trimestre de mes études primaires et secondaires.

En quatrième primaire. 

Le cours de morale était fait par notre instituteur (catholique), qui réunissait les trois élèves inscrits : deux filles et moi. Il nous faisait cours en plein air, dans un joli pavillon au toit de chaume, et nous étions assis en rond sur un banc. Programme de ce jour-là : « Je vais poser à chacun de vous une question qui sera facile pour le premier, plus difficile pour le second et très difficile pour le troisième d’entre vous. Que celui ou celle qui veut commencer lève le doigt ». Et le doigt qui se lève avant qu’il n’ait fini de parler, est le mien… Un moment de honte, mais un vrai cours de morale jamais oublié, le seul important de ma vie.

Je n’ai ni le droit ni l’envie de dire s’il faut remplacer les cours de religion par autre chose. Mais plutôt que d’entendre des âneries du cours de morale, de l’organisation des élections belges, à la gestion des communes belges en première année de lycée — au Congo, qui était belge à l’époque, mais quand même ! — pour encaisser en dernière année dans le même lycée, une demi-heure sur Platon, suivie (ou précédée) d’une demi-heure sur Socrate, pour arriver en haletant après un grand nombre de demi-heures, à Locke et Hume en passant par Spinoza — 15 minutes, sans doute le professeur de morale ne l’aimait pas trop — et en ne comprenant rien, c’était un peu beaucoup.

Et si on remplaçait les cours de morale par des cours de culture sur les civilisations non européennes ? La Chine (et les comptoirs brutaux installés par les Européens qui ont aussi engendré l’usage et la Guerre de l’Opium), l’Inde (et les blondinets colons et colonels britanniques), l’Amérique du Nord (et les tueries d’Indiens par les descendants des gentils pèlerins du Mayflower), le Mexique (et les horreurs perpétrées par les conquistadors espagnols),  l’Amérique du Sud (et les mensonges de Pizarro à l’Inca Atahualpa, au nom de la chrétienté), le Congo et l’Afrique en général (avec les abus de la colonisation belge, britannique, française, hollandaise, portugaise), les pays arabes et leur apport culturel à l’Europe à partir du 8e siècle de notre ère, dont on ne voit aujourd’hui que le mauvais côté des choses.

Avec un avantage important puisque tout ceci peut, pour ceux qui s’installent bien au chaud près des radiateurs, être illustré facilement par Le Lotus Bleu, Tintin en Amérique, Le Temple du Soleil, Tintin au Congo, L’Or Noir et bien d’autres aventures.

(1) La presse en général et en particulier L’avenir.net, 9 octobre 2012 http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20121009_00215788

De la solidarité à l’égalité

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Pierre Pestieau

Il y a quelques années, je faisais à Paris une conférence et y dénonçais la règle assurantielle inspirée par le Chancelier Bismarck (1815-1898), selon laquelle le retraité touche une prestation qui est proportionnelle à ses contributions, empêchant ainsi toute redistribution en faveur des petites retraites.  Pris d’un pathos inhabituel, je concluais par un : « Solidarité, que d’injustices n’a t-on commis en ton nom ! ». A la fin de cette conférence, je un syndicaliste de la CGT m’a interpellé ; je crois me rappeler qu’il s’agissait de Jean-Christophe Le Duigou. Tout aussi fermement que courtoisement, il me fit la leçon : la sécurité sociale à la française doit être conçue comme un « compact » qui relie entre eux les affiliés comme sont reliés les membres d’un équipage. Chacun, du mousse au capitaine, connaît sa place ; il est animé par un seul souci, celui d’acheminer le bateau à bon port. En cas de pépin, chacun prend sa part, risque sa vie pour l’ensemble des hommes d’équipage. Le calme revenu chacun retrouve sa place, son revenu, sa tambouille et sa cabine, qui peut être confortable pour l’un et se réduire à un hamac pour l’autre. Et de conclure que le but n’est pas de redistribuer mais de vivre en solidarité. La sincérité de mon interlocuteur était évidente mais elle se heurtait à ma conviction selon laquelle une société doit avant tout être faite d’équité et de justice, vertus qui ne lui semblaient pas prioritaires.

Comme dans beaucoup de débats, nous avions peut-être raison tous les deux mais à des moments différents. Lui se raccrochait à un modèle social issu de la guerre où l’idée de solidarité allait permettre de reconstruire le pays. Chacun garderait sa place mais serait assuré d’une large protection sociale contre les risques de la vie. Ce qui donna lieu aux quatre branches de notre sécurité sociale : (i) la branche maladie (maladie, maternité, invalidité, décès) ; (ii) la branche accidents du travail et maladies professionnelles ; (iii) la branche vieillesse et veuvage (retraite) ; et (iv) la branche famille. Ce modèle social était basé sur le paritarisme ; l’Etat et la redistribution y jouaient un rôle minime. Il subsiste encore aujourd’hui dans certains aspects. Beaucoup de Français de gauche ne trouvent pas choquant que certains touchent des indemnités de chômages élevées et que les allocations familiales ne soient pas soumises à l’impôt sur les revenus.

Progressivement, en l’espace de plus de 60 ans, ce modèle a évolué ; les esprits aussi. Le principe Bismarckien de prestations liées aux contributions passées a laissé la place au principe Béveridgien (Lord Beveridge, 1879-1963) de prestations uniformes indépendantes des cotisations ; l’Etat intervient de plus en plus dans les négociations paritaires (parasitaires, comme les appelle mon ami co-blogueur). La croissance des inégalités et de la pauvreté a obligé l’Etat à introduire des mécanismes d’aide aux pauvres (les minima sociaux) et de redistribution (plafonnement des prestations et non des cotisations, intervention du Trésor pour financer les droits dérivés). En un mot, nous avons aujourd’hui un modèle social où le concept de solidarité est beaucoup moins prégnant et a laissé la place à celui de redistribution.

Dans cette évolution la France est sans doute moins avancée que la Belgique mais les deux pays semblent suivre des parcours semblables. Les graves difficultés budgétaires actuelles   combinées à un courant libéral important obligent l’Etat à réduire sa voilure et à s’appuyer de plus en plus sur le secteur privé, qui lui ne peut offrir ni solidarité, ni équité.

Une des conséquences de cette évolution est que la performance de notre Etat providence ne doit pas être mesurée à la même aune aujourd’hui qu’en ses débuts. Ses missions ont changé ; elles couvrent la lutte contre les inégalités, le chômage et la maladie et favorisent  l’éducation. 

Missions qui se prêtent mieux à la quantification que la solidarité.

jeudi 8 novembre 2012

Dur dur d’aider les pauvres

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Pierre Pestieau

Nos Etats providence ont des programmes divers pour lutter contre la pauvreté et dans l’ensemble il faut bien admettre que leurs succès (ou leurs échecs) sont mitigés. Mesurée en termes relatifs (par exemple en prenant comme seuil de pauvreté 60% du revenu médian), la pauvreté a plutôt tendance à légèrement augmenter dans la plupart des pays. Les facteurs qui peuvent expliquer cette décevante évolution sont multiples. En premier lieu, il y a sûrement un manque de volonté politique d’autant plus net que nos gouvernements connaissent des problèmes budgétaires inextricables. Il y aussi les difficultés liées à l’organisation des programmes.

Je prendrai deux exemples qui reviennent régulièrement. Le traitement des isolés par rapport aux couples et le recours à des statuts plutôt qu’aux revenus effectifs pour déterminer les éventuels allocataires sociaux.

Dans la plupart des pays, les programmes d’aide sociale ont tendance à donner davantage à un pauvre isolé qu’à des pauvres vivant en couple. Plus exactement, deux isolés toucheront davantage qu’un couple, pour tenir compte des économies d’échelle que permet la vie en couple : il ne coûte pas beaucoup plus de chauffer  et même de loger deux personnes plutôt qu’une seule. Certains voient dans cette approche une discrimination à l’égard de pauvres qui décideraient de cohabiter. Cohabiter impliquerait en effet une perte de prestations. De là à plaider pour l’individualisation des droits sociaux, il n’y a qu’un pas que d’aucuns n’hésitent pas à franchir. C’est oublier, que toute individualisation conduit à une autre discrimination, celle dont souffrirait le pauvre qui pour diverses raisons demeure isolé. En fait le vrai motif pour pousser à l’individualisation des droits sociaux est que l’on voit fréquemment des personnes vivant en couple se faire passer pour des isolés. On a alors une discrimination à l’encontre des couples qui refusent de procéder à de tels divorces stratégiques.

Par ailleurs, nombreuses prestations sociales sont ciblées sur des statuts : celui de veuve, de sans emploi, ou d’allocataire social, plutôt que sur les véritables ressources de l’individu, ce qui serait sans aucun doute plus juste. Mais il se fait que le statut est observable, les revenus le sont souvent beaucoup moins. Ainsi, un ménage bénéficiaire du revenu minimum d'intégration ou du minimum vieillesse peut bénéficier d'un tarif social pour le gaz et l'électricité. Un ménage ayant un revenu inférieur à ces minima n'y a pas droit. Rien ne justifie cette discrimination si ce n’est la difficulté de connaître les ressources des ménages.

En d’autres termes une partie des imperfections de la politique sociale sont imputables à la possibilité que certains allocataires ont de ne révéler qu’imparfaitement leurs ressources ou leurs besoins.

Une des dernières trouvailles de Netanyahou (suite)

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Victor Ginsburgh

Suite à mon article de la semaine dernière au sujet des trouvailles de Netanyahou et des ‘réfugiés’ juifs en provenance des pays musulmans, j’ai reçu trois réactions. La première m’a été envoyée par un ami marocain, la deuxième par un ami juif, qui a quitté l’Egypte en 1948, et la troisième par un autre ami juif, qui n’a rien de commun avec le Moyen-Orient, mais qui a visité le Yémen en 1990. Tous trois vivent en Belgique à l’heure actuelle.

Je crois que ces réactions sont significatives et je me permets de les répercuter presque dans leur intégralité ci-dessous.

***

« Relativement aux juifs marocains, je puis affirmer, pour en avoir été témoin, que les milliers de juifs qui étaient davantage dans les villages berbères du sud qu’au nord ou dans les villes, ont été  ‘poussés’  à partir non par les musulmans arabes ou berbères mais par des organisations externes au Maroc, sans doute israéliennes.

Les juifs qui avaient quitté leur pays, le Maroc, pour aller soit en Israël, soit au Canada, pleuraient alors toutes les larmes de leurs corps. Certains d’ailleurs n’ont jamais quitté le Maroc et sont restés dans le sud du Maroc (notamment à Rich) ou à Casablanca.

Gourrama (mon village au sud du Maroc) était peuplé par 50% de juifs au moins. Il y avait tous les commerces, une école, une synagogue, un cimetière et je me souviens d’excellentes relations de voisinage empreintes de grande confiance entre musulmans berbères et juifs berbères, qui vivaient dans les ruelles du centre et non dans un quartier isolé (une mellah) comme cela existe dans les villes.

Chaque année, des Israéliens font un pèlerinage à un ksar qui s’appelle Toulal et qui fait partie de Gourrama, pour une hiloula (1) au tombeau du grand rabbin Rabbi Ishaq Abehsera (qui, en berbère, signifie fabriquant de nattes de palmiers).

Suite à leur départ, et ce pendant plusieurs années, des amis de mon père envoyaient leurs enfants puis leurs petits enfants pour visiter notre maison et les leurs, et prendre des nouvelles de mon père. Lorsque mon père est décédé, ceux qui l’avaient connu et qui étaient encore en vie nous ont téléphoné d’Israël pour nous présenter leurs condoléances. »

***

« Quant à la dernière trouvaille de B. Netanyahou elle est d’une stupidité rare mais qu’attendre de nos dirigeants politiques, actuellement ? C’est vrai que nous avons quitté l’Égypte un peu forcés en août ou en septembre 1948 mais il est tout aussi vrai que quand Neguib puis Nasser étaient au pouvoir, ils envoyaient à mes parents, en France, des cartes de vœux pour Rosh Hashannah (Nouvel An juif). Je ne sais pas si Sadate a continué... »

***

« Il y a une vingtaine d'années, au cours d'un trekking avec six amis au Yémen (beaucoup moins dangereux qu'à présent), nous avons fait une halte à S'aada, localité proche de l'Arabie Saoudite.

Ayant lu que le lieu avait été réputé durant des siècles pour le savoir-faire de ses orfèvres juifs, je suis allé visiter le quartier des artisans spécialisés dans la décoration des armes (carabines et grands couteaux). Y restait-il encore quelques juifs ? Avec l'aide d'un guide local, nous avons fini par dénicher un petit atelier où s'activaient un orfèvre et son fils adolescent. Etonnés de voir des étrangers, ils sont devenus inquiets lorsque j'ai dit avec un grand sourire ‘Shalom’ (l'un des 10 mots hébreux que mon amie et moi connaissions). Il y a eu un moment de silence avant que l'homme réagisse d'un air catastrophé: ‘Please, go away, please...’ Il s'est levé pour indiquer la sortie.  Vous en tirez les conclusions que vous voulez. Je me borne à constater que vers 1990, il valait mieux ne pas être juif au Yémen. Et avant la création d'Israël ? Sans doute s'accommodaient-ils du statut de dhimmi (2). »





(1) La hiloula est le nom de la coutume juive qui consiste à se rendre sur les tombeaux des Justes (tsaddikim) le jour anniversaire de leur mort (Wikipedia).

(2) Selon l’article de Wikipedia sur la question (http://fr.wikipedia.org/wiki/Dhimmi), « un dhimmi est, selon le droit musulman, un non-musulman ayant conclu, avec les musulmans, un traité de reddition (dhimma1) déterminant ses droits et devoirs. Le terme dhimmi s'applique essentiellement aux « gens du livre » (Ahl al-kitâb), qui, dans le champ de la gouvernance islamique, moyennant l'acquittement d'un impôt de capitation, d'un impôt foncier, d'une certaine incapacité juridique et du respect de certaines règles édictées dans un « pacte » conclu avec les autorités, se voient accorder une liberté de culte restreinte, une dispense de certaines obligations que les musulmans sont tenus de faire ainsi que la garantie de sécurité pour leur personne et pour leurs biens. En échange, certaines contraintes sont imposées, comme l'interdiction de construire de nouveaux lieux de culte ou l'interdiction du prosélytisme. L'ensemble de ces règles théoriques sera mis en œuvre de façon plus ou moins stricte ou brutale selon les périodes et les lieux. 
Malgré l'élaboration de ce pacte avec les dhimmis, la situation des non-musulmans dans le monde islamique au moyen-âge et la période ottomane était meilleure que celle des non-chrétiens et hérétiques dans l'Europe médiévale. » L’article correspondant en anglais (http://en.wikipedia.org/wiki/Dhimmi) est bien meilleur.

jeudi 1 novembre 2012

Une des dernières trouvailles de Netanyahou

2 commentaires:

Victor Ginsburgh

La shoah ne fait plus trop recette. L’attaque par Israël des installations nucléaires iraniennes et la ligne rouge à ne pas franchir ont fait long feu. Elles font toutes deux plutôt sourire et rendent Netanyahou ridicule (1). Il devient aussi de plus en plus difficile pour le gouvernement actuel de nier que les « implantations » ne sont pas des « colonies », et que leurs habitants qui parfois terrorisent les Palestiniens ne sont pas violents. Ou que Gaza est une terre de liberté qui s’enrichit à vue d’œil.

Il est difficile de prétendre que le film Cinq caméras brisées de Guy Davidi et Emad Burnat, un Israélien juif et un Israélien palestinien, est un montage truqué, comme cela a été suggéré par certains pour le film de Charles Enderlin (correspondant d’Antenne 2 en Israël) sur la mort à Gaza en 2000 de Muhammad al Durrah suite à des tirs israéliens. Même Gideon Levy, journaliste à Haaretz (journal de la gauche israélienne), qui a pourtant tout vu et tout subi, écrit que Cinq caméras brisées « devrait rendre honteux tout [juif] israélien décent » (2).

Ou que la Faculté de science politique de l’Université Ben Gourion ne risque pas d’être fermée d’ici peu par le Conseil de l’Education Supérieure israélien parce que ses professeurs sont trop « à gauche » au goût de la coalition qui règne dans « la seule démocratie du Moyen-Orient » (3).

Ou enfin, que le gouvernement en place en 1947-48 a un peu poussé plus de 700.000 Palestiniens à quitter les territoires conquis à l’époque.

Il faut donc trouver autre chose pour réanimer l’enthousiasme vacillant de ceux qui ne vivent pas ou ne veulent pas vivre en Israël. Et on trouve bien sûr. Et ce qu’on vient de trouver, c’est qu’après tout c’est (sans doute) vrai, des Palestiniens en grand nombre ont été chassés de Palestine durant les années 1947-48, mais quelque 800.000 juifs ont aussi été chassés des pays arabes par la suite, surtout après la guerre de Suez en 1956. Leur statut d’immigrants qui, comme on dit en hébreu, « montent » en Israël s’est, par un coup de baguette magique, transformé en statut de réfugiés. Et comme l’explique Rachel Shabi, juive israélienne d’origine irakienne, le gouvernement Netanyahou a décidé d’effacer la différence « dans une sorte de tableur Excel de l’exil ». Il a donné instruction à ses diplomates de faire ressortir cette équivalence à toute occasion (4).

Rachel Shabi écrit que cette équivalence ne tient pas la route si l’on examine les circonstances des départs. Par exemple, écrit-elle, « des juifs qui ont quitté Bagdad ou Sana’a (au Yemen) insistent qu’ils n’ont pas quitté leur pays d’origine en tant que réfugiés, mais bien de leur propre gré, pour s’installer en tant que pionniers dans une patrie juive, à l’époque, la Palestine… Les juifs d’origine irakienne viennent d’ailleurs de former un comité qui s’érige contre la campagne gouvernementale. Ils la qualifient de ‘manipulation cynique’. Plusieurs membres de ma famille sont restés en Irak jusque dans les années 1970 ; comment ont-ils fait si, comme on le prétend, ils ont été forcés de s’exiler plusieurs dizaines d’années avant ? ».

S’il est vrai que beaucoup de juifs ont été obligés de quitter les pays arabes il y a 30 ou 40 ans, qu’ils ont été plus ou moins bien accueillis en Israël (tout en étant considérés pendant des années, avec un certain mépris, comme des ‘schwartze’, noirs en Yiddish, et en Allemand aussi d’ailleurs, sauf que cela s’écrit plus modestement schwarz, sans t), il est vrai aussi que les pays arabes n’ont pas fait grand chose pour accueillir les réfugiés palestiniens, si ce n’est dans des camps dont les occupants sont entretenus par les Nations Unies.

Peut-on néanmoins, pour cette raison, forger un nouvel argument de propagande alors que tous les autres ont lamentablement échoué, argument qui fait des réfugiés de part et d’autre une équation dans laquelle on met les uns dans le membre de gauche, les autres dans le membre de droite ?


(1) Voir par exemple http://www.israelhayom.com/site/newsletter_article.php?id=5934 pour ce qu’on en dit en Israël même.
(2) Gideon Levy, The documentary that should make every decent Israeli ashamed, Haartez, October 5, 2012. Voir http://www.haaretz.com/weekend/twilight-zone/the-documentary-that-should-make-every-decent-israeli-ashamed.premium-1.468409
(3) Voir http://www.haaretz.com/opinion/our-nonacademic-education-council.premium-1.467735. Selon les nouvelles d’aujourd’hui, une dernière chance vient d’être donnée à l’Université pour « reformer le département ». Voir http://www.israelhayom.com/site/newsletter_article.php?id=6261
(4) « Le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a estimé ce mardi soir (23 octobre 2012) que chaque fois que le dossier des réfugiés arabes est évoqué, il faut rappeler les juifs qui ont été forcés de quitter les pays arabes après la création de l'Etat d'Israël. Il a souligné avoir recommandé aux ambassadeurs israéliens dans le monde entier de sensibiliser le public au problème. De nombreux juifs des pays arabes ont été expulsés, laissant derrière eux tous leurs biens. Ils tentent d'obtenir une reconnaissance internationale et des budgets pour pérenniser le patrimoine de ces réfugiés juifs spoliés ». Voir Guysen International News, 24 octobre 2012.
(5) Rachel Shabi, The Jewish refugee équation : an obnoxious form of diplomacy, Haaretz, October 2 , 2012. Voir http://www.haaretz.com/opinion/the-jewish-refugee-equation-an-obnoxious-form-of-diplomacy.premium-1.467856

Les deux Amériques

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Pierre Pestieau

Veille de l’élection américaine. Je passe les dernières semaines de la campagne à Washington, et ne peux qu’être frappé par la coexistence de deux Amériques. Cette dualité n’est que lointainement liée à la différence entre les deux candidats bien que je suis convaincu qu’Obama incarne davantage la bonne Amérique que son adversaire républicain. Quelques impressions glanées au fil de ces derniers jours. Un documentaire en 3D, intitulé Rescue. On y voit l’armée et des ONG américaines collaborant avec des volontaires venus de partout pour aider la population de Haïti touchée par un terrible tremblement de terre. Une série d’émissions de la télévision publique, PBS, qui au travers notamment de Sesame Street, donnent l’image d’une Amérique de la convivialité multiraciale.

A côté de cela, des débats présidentiels insipides mais révélateurs, où chaque adversaire évite le faux pas avec pour conséquence une langue de bois à faire pâlir d’envie la Forêt Noire. Pas un mot sur le sort des Palestiniens mais 54 mentions d’Israël,  considéré comme aussi précieux qu’un des 50 états américains. Une naïveté insupportable sur l’installation de la démocratie en Syrie ou en Afghanistan. La promesse de ne pas augmenter les déficits tout en réduisant les taux de taxation, grâce à des suppression de niches fiscales que l’on se refuse d’identifier parce que derrière chacune, il y aurait le risque de perdre des milliers de vote. Une obsession pour la classe moyenne et un silence absolu sur les pauvres. Cette classe moyenne que personne ne définit. Dans sa version la plus large, elle s’étendrait des ménages ayant un revenu au-dessus du seuil de pauvreté jusqu'à ceux qui toucheraient un revenu annuel d’un million de dollars. Cela comprend donc plus de 80% de la population, celle qui vote, celle qui « souffre ».

Dans les débats entre candidats mais aussi dans les articles de presse, les pauvres sont les laissés pour compte. Les démocrates hésitent à les défendre parce que le thème est impopulaire.  Peu de réactions aux menaces du candidat républicain de renoncer au programme de santé laborieusement mis sur pied par Obama, aux engagements de réduire les deux programmes de santé existants, Medicare et Medicaid, à la quasi certitude d’une abolition des droits de succession et de certaines taxes sur les plus-values.

Ce plan génial devrait créer en quelques années 12 millions de jobs.  Un de ses concepteurs n’est autre que le trop célèbre Glenn Hubbard, professeur d’économie et de phynance, Doyen de la Columbia Business School, et conseiller de Romney. Peu d’économistes (1) le croient mais la moitié, des électeurs semblent penser que cela pourrait marcher. La célébrité de Hubbard remonte au film Inside Job dont il a été question dans un blog précédent (20 mars 2011). Acculé par des questions gênantes sur ses nombreux conflits d’intérêt, il congédie proprement son interviewer par le fameux. « Vous avez encore 3 minutes et une question. Donnez le meilleur de vous-même (Give your best shot) » (1).

Espérerons que dans quelques jours, l’Amérique donne le meilleur d’elle-même pour que la bonne Amérique l’emporte et que notre collègue retourne à ses chères études et ses juteux conseils. Car contrairement à ce qui s’écrit parfois Obama et Romney, ce n’est pas « bonnet blanc et blanc bonnet » (2).

(2) Je ne peux m’empêcher de recommander la lecture de deux éditoriaux récents de Thomas Friedman, Why I Am Pro-Life , New York Times 28-10-12 et Paul Krugman, Medicaid on the Ballot, New York Times 29-10-12.