mercredi 28 février 2018

C’était mieux avant. Toilettes ou iphone

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Pierre Pestieau

« C’était mieux avant », entend-on de plus en plus souvent en ce début du XXIe siècle (1). Cette réflexion est bien plus profonde que la nostalgie pour les méthodes du « bon vieux temps », un mode de vie plus traditionnel, l’angoisse ressentie face aux changements technologiques sans fin. Elle interpelle l’économiste qui ne cesse de prouver chiffres à l’appui que non, nous n’avons jamais été aussi bien qu’aujourd’hui. On assiste à un véritable dialogue de sourds, qui me rappelle celui dont j’ai été le témoin, il y a plusieurs années, entre un ami sévèrement déprimé et une de ses relations. Cette dernière lui donnait toutes les raisons d’être heureux : de beaux enfants, une femme aimante, une belle maison, une réussite professionnelle, etc. Comme vous pouvez l’imaginer cet inventaire du bonheur n’a pas convaincu alors mon malheureux ami qui, heureusement, a fini par s’en tirer.

mercredi 21 février 2018

Oregon : le prix de la transparence

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Pierre Pestieau

Les prothèses du genou coûtent trop cher à la Sécurité sociale, au moins 200 millions d’euros par an. C’est le constat établi recemment par une députée fédérale du parti nationaliste flamand, Yoleen Van Camp. D’où sa suggestion de limiter leur pose pour les personnes âgées de plus de 95 ans et de ne plus l’envisager pour celles qui souffrent de démence.

Maggie De Block, la ministre fédérale de la Santé, souvent critiquée par la gauche, a aussitôt réagi : «Nous n’allons pas économiser en refusant à ces gens, sur la base de critères rigides, le droit à une prothèse de genou. Il appartient aux médecins de faire une analyse attentive patient par patient, et c’est ce qu’ils font déjà aujourd’hui». Ce qui a surpris ses nombreux détracteurs forcés de lui donner raison. Et pourtant fallait-il lui donner raison ?

Trois historiettes qui consolent de la méchanceté de ce monde

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Victor Ginsburgh

Plage de Tel Aviv vue de l'appartement de Vladimir
Il y a d’abord l’histoire de Vladimir Poutine qui hérite d’un petit appartement d’une chambre à coucher et demi à Tel Aviv (1). Il lui a été légué par Mina Yudistkaya Berliner, une professeure qui l’a eu comme élève à Leningrad (Saint Petersbourg aujourd’hui) et qui a quitté l’URSS en 1973 pour s’installer en Israël. S’installer est sans doute beaucoup dire comme on le verra. En 2005, sachant que Poutine venait à Jérusalem, elle a demandé à l’ambassadeur russe (à Tel Aviv, et pas Jérusalem) de rencontrer le grand homme. Ce qu’elle a obtenu en étant invitée à une réception en l’honneur de ce dernier, et puis à partager avec lui un thé, en privé, cette fois.

mercredi 14 février 2018

La bibliothèque de Babel

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Victor Ginsburgh

Voilà qu’en Chine, on vient de construire une bibliothèque étonnante, qui tout en étant finie, en tout cas, le nombre de livres l’est (à peine 1,5 millions), ressemble à une bibliothèque indéfinie. Elle m’a évidemment rappelé la très étrange nouvelle de Jorge Luis Borges auquel j’ai emprunté le titre de mon texte. Voici l’essentiel de la nouvelle écrite en 1941:

« La Bibliothèque se compose d’un nombre indéfini, et peut-être infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d’aération bordés par des balustrades très basses. 

Johnny et Cendrillon

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Pierre Pestieau

Non Cendrillon n’est pas une chanson de Johnny et pourtant ils ont quelque chose en commun. Il y a plusieurs siècles, en Angleterre, de nombreuses femmes mourraient en couches ; leurs maris prenaient une seconde épouse dont ils avaient des enfants. On s’est aperçu que lors de successions les enfants du second lit étaient favorisés, ce que le droit anglo-saxon permettait. Pour éviter que les enfants du premier lit soient régulièrement déshérités, le gouvernement a décidé d’adopter la règle continentale d’équirépartition. Cela permettait d’éviter ce que l’on a appelé l’effet Cendrillon. En réalité, Cendrillon a eu beaucoup de chance (1). Tous ces enfants de second lit n’ont pas eu la chance de rencontrer un.e prince.sse charmant.e.

mercredi 7 février 2018

Taxer les robots

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Pierre Pestieau

L’idée qu’il faille taxer les robots qui prennent l’emploi des non qualifiés est ancienne. Depuis le début de la révolution industrielle, on a assisté à une séquence  continue d’innovations techniques qui permettaient de produire plus rapidement et plus économiquement ce que les hommes produisaient jusqu’alors. C’est sans doute l’ampleur du phénomène et ses effets sur l’emploi qui distinguerait la robolution de la révolution industrielle.  Mais sur ce point, les avis divergent. Certains pensent que de nouvelles activités permettront à la main d’œuvre ainsi déplacée de rester occupée et de ce fait de maintenir le plein emploi. D’autres au contraire, prévoient des pertes massives d’emploi et un chômage de masse qu’il sera difficile de gérer (1). Il n’est pas possible de prévoir ce qui se passera mais clairement la manière dont les gouvernements abordent ce problème est cruciale. On peut en effet adopter une attitude passive et accepter avec fatalité le chômage de masse en proposant un revenu universel pour le pallier. On peut au contraire adopter des politiques proactives qui encouragent le travail dans de nouveaux domaines tels que ceux de l’aide à la personne.

L’école de la réussite

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Victor Ginsburgh

Décidément, mes collègues économistes sont bien actifs à écrire sur les problèmes importants de notre société. Il y a quelques semaines, Mathieu Lefèvre et Pierre Pestieau (Université de Liège) publiaient leur livre sur l’Etat-providence (1), et à peu près au même moment, Jean Hindriks (Université catholique de Louvain) et Kristof De Witte (KU Leuven) s’attaquaient, dans les articles d’un ouvrage collectif intitulé L’école de la réussite (2), au problème des différences des modèles d’enseignement et des résultats obtenus dans les deux communautés linguistiques belges. Ceci les différencie de nombreux autres écrits dans ce domaine. Les points qu’ils abordent ont plutôt trait à l’organisation de l’enseignement qu’à ce qui est enseigné. Ils sont économistes et pas éducateurs. Mais je m’en voudrais de ne pas revenir brièvement sur ce point plus loin.  

Tout en étant centré sur la Belgique, et contrairement à d’autres analyses, l’ouvrage souligne les différences importantes entre l’enseignement en Flandre et en Wallonie Bruxelles (et on se doute bien où cela nous mène), et compare la Belgique (unie !) au reste des pays de OCDE. De façon générale, la Belgique n’en sort pas toujours grandie (3). En voici quelques exemples qui devraient vous inciter à lire l’ouvrage (4).

jeudi 1 février 2018

Faut-il interdire d’exposer et de publier les œuvres des « he too » ?

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Victor Ginsburgh

Le "he too" photographié par Chick Close
Chuck Close, le célère artiste américain est aussi un « he too ». Une exposition de ses œuvres (souvent des portrais photographiques) était prévue à la National Gallery of Art à Washington, mais a été postposée indéfiniment parce qu’il est accusé de harcèlement sexuel. Je comprendrais qu’on n’expose pas les nouvelles créations de Close, ou, en tout cas, qu’on ne l’invite plus aux vernissages de ses éventuelles expositions, mais le reste soulève évidemment une série de questions que je suis loin d’être le premier à poser. Marcel Proust l’a tellement mieux fait dans son Contre Sainte-Beuve (1) : Faut-il séparer, au nom de l’art, l’œuvre de la personne qui l’a produite ou non ?

(a) Faut-il arrêter de lire Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir parce que cette dernière présentait à Sartre des jeunes filles avec lesquelles il pouvait faire l’amour, même s’il n’y avait probablement pas harcèlement ? Faut-il arrêter de lire Sade parce qu’il droguait des jeunes filles (et probablement des jeunes garçons) pour assouvir certains de ses caprices ? Peut-on encore lire Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, qui s’est avéré être un antisémite forcené et qui était probablement lié à des services de renseignements nazis (2) ? Faut-il interdire, comme on en parle aujourd’hui, de republier les œuvres antisémites qui ont suivi le Voyage ?

La vie n’a pas de prix, mais sa fin en a un

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Pierre Pestieau

Quand j’avais quinze ans, j’étais fasciné par cette citation de Saint-Exupéry: La grandeur de ma civilisation, c'est que cent mineurs s'y doivent de risquer leur vie pour le sauvetage d'un seul mineur enseveli. Ils sauvent l'Homme. Avec le temps j’ai pris quelque distance avec cette forme d’humanisme que l’on trouve notamment chez Spielberg et son « Il faut sauver le soldat Ryan ». Car après tout, c’est plutôt l’exemple inverse que notre civilisation nous offre avec ses guerres (néo-) coloniales dans lesquelles, pour sauver quelques vies et quelques intérêts commerciaux, on n’hésite pas à tuer ou blesser des milliers de personnes. Il suffit de relire « Les fantômes du roi Léopold  » pour découvrir que des milliers de vies congolaises ne faisait pas le poids face à quelques tonnes d’hévéa (1).

Dans ces réflexions et ces comportements, on se rend bien compte que toutes les vies n’ont pas la même valeur. Cela me rappelle mon étonnement lorsque j’ai découvert que les sociaux démocrates scandinaves avaient longtemps été tenté par les thèses eugénistes, dont un des corolaires était de mettre fin à la vie de personnes jugées trop handicapées et donc coûteuses pour l’Etat providence, dont ils étaient par ailleurs des défenseurs efficaces. Mettre fin à la vie ou ne pas permettre de la donner quand celle-ci aurait un prix trop élevé pour la société. Ces gentils sociaux démocrates ne faisaient qu’appliquer les principes utilitaristes de Jeremy Bentham, dont l’une des implications majeures est que le bien être social se mesure par la somme des utilités individuelles. Au nom de ce calcul social, on en déduit qu’une vie trop coûteuse peut être sacrifiée pour le bien-être d’un grand nombre.