mercredi 9 mai 2018

Age et bonheur


Une anecdote qui date. La scène se passe à Chicago il y a près de 40 ans. Une dame, qui venait de fêter son 60ème anniversaire, me dit à ma grande surprise : « Vivement mes 65 ans » et de m’expliquer tout ce qu’elle attend de cet âge d’or : la retraite, l’assurance santé gratuite (medicare), les transports en communs gratuits avec sièges réservés pour les séniors, un nombre limité de chèques taxi (taxi vouchers) et surtout la considération qui était attachée au statut de sénior.

Des études consacrées au bonheur sont venues à bout de mon scepticisme. Je prendrai l’exemple d’une récente étude sur la population belge (1). Dans ce cas précis on peut en effet parler de la population belge dans la mesure où les Flamands et les Wallons sont également (mal)heureux. Ils sont en fait plus heureux que la moyenne des Européens, mais moins que les Bruxellois. Cette étude (2) révèle le caractère déterminant de l'âge. De tous les Belges, ce sont les plus de 60 et même de 70 ans qui respirent le plus le bonheur. Les baby-boomers, c’est-à-dire la génération née après la Deuxième Guerre mondiale, attribuent à leur vie un score de 7,2 sur 10, nettement plus élevé que les 6,2 des Belges âgés de 35 à 49 ans.


Une explication ? Ce n’est pas simple. Il y a un effet âge et un effet génération. Pour autant qu’ils aient la santé et un certain revenu, les séniors ont appris, au fil des années, à relativiser ; ils sont plus indulgents et se focalisent sur ce qu’ils veulent vraiment dans la vie. Il y a aussi l’effet génération. Les séniors ont vécu une jeunesse heureuse ; c’était le temps des trente glorieuses et des utopies.

Il faut cependant rester prudent et regarder une autre réalité, celle de la pauvreté, de la dépendance et la maladie. Certes on vit plus longtemps mais depuis quelques années l’espérance de vie en bonne santé a, elle, cessé d’augmenter. En dépit des systèmes de retraite et d’une part importante du patrimoine national détenu par les séniors, il existe encore des pauvres au-delà de 60 ans et il est intéressant de noter que si ces pauvres n’étaient pas frappés par une mortalité précoce, les taux de pauvreté serait encore plus important.

En d’autres termes, nous avons un exemple typique d’une situation où les moyennes statistiques sont trompeuses. La société des séniors est divisée en une fraction majoritaire de gens qui sont heureux, financièrement à l’aise, en bonne santé et entourés d’amis et d’enfants, et une fraction non négligeable de gens qui ne disposent pas de ces raisons pour être heureux. C’est à cette fraction que notre Etat providence doit s’intéresser en toute urgence.

(1) http://www.lalibre.be/actu/sciences-sante/qui-sont-les-gens-les-plu…en-belgique-petite-cartographie-du-bonheur-5aaa4a11cd709bfa6acb5a92 Page 1 of 12
(2) Réalisée par le professeur Lieven Anneman de l’Université de Gand


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